La culture de certains cactus réputés difficiles à cultiver, notamment sur leurs propres racines, présente à mes yeux le plus d'intérêt. Après bien des déboires en matière de semis, mais également d'échecs sur de jeunes cactus au cours de leurs premières années, j'ai expérimenté avec succès depuis quelques années une méthode de semis simple et efficace. Sa particularité est de permettre aux fragiles plantules qui ont germé de rester dans leur "boîte de semis" tout au long de leurs deux ou trois premières années d'existence, en évitant ainsi d'avoir à les transplanter au cours de cette période. Voici en sept points les principaux préparatifs de cette méthode.
Je ne fais pas de semis avant le début d'un mois de mai, voir avant mi-mai, et suis libéré à cette époque d'un chauffage d'appoint. Je démarre mon semis quelques jours avant le début d'une phase de lune montante. Bien que la germination de certaines graines soit parfois aléatoire, une majorité des graines semées a une chance de germer au cours de cette phase bénéfique.
Toutes mes graines sont conservées au froid dans un réfrigérateur, soit dans le bac à légumes du bas (6/7°C) ou sur la clayette la plus haute (2/5°C), soit dans le bac de congélation lui-même (-5/-10°C). Elles y sont généralement conservées entre six mois et un an.
Pour tout types de genres ou d'espèces, je suis partisan de faire subir aux graines mises en terre un choc thermique plus ou moins fort. C'est ainsi que mes graines peuvent passer au cours de la première journée d'une situation de 0°C par exemple à une situation de + 30°C.
Cette brusque variation de température favorise a mon sens la germination. Cela est notamment vrai pour les graines peu aisées à faire germer de certains genres, ces derniers étant eux-mêmes difficiles à cultiver : par exemple Sclerocactus, Pédiocactus, Echinomastus,...). Pour favoriser et accélérer la germination de ces graines, je ne pratique pas d'intervention sur la graine. Ce n'est qu'à l'issue de une ou deux semaines de mise en semis qu'il m'arrive de récupérer les graines non encore germées pour y opérer une fente du cuticule ou au niveau du hile, ce qui par expérience n'est pas forcément un gage de germination...
Compte tenu des espèces difficile que j'ai donc le plus de plaisir à cultiver, le soin que j'apporte au substrat est primordial. Les plantes vont y vivre plus d'un an et souvent trois ans. Dans la mesure où je suis peu enclin à utiliser des engrais, il faut donc que ce mélange soit suffisamment riche dans la durée pour ne pas constituer, à terme, un frein à leur croissance.
Le mélange de base est constitué de trois éléments en parts égales qui sont systématiquement passés au tamis pour ne retenir que des fines particules ( pas de cailloux, ni de débris végétaux ) :
- Premier tiers : terre de jardin de ph 6 à 6.5 . Elle est prélevée sous le couvert de grands arbres résineux. Elle est légère, très friable, acide à légèrement acide.
- Deuxième tiers : du sable résultant du concassage de divers minéraux ( principalement granit en décomposition, schistes, quartz,... ) Ce concassage est une opération manuelle que j'effectue lors de la préparation du mélange tout- venant pour mes plantes adultes . Ce concassage donne deux types de substrat minéral :
- un substrat composé de grains de 1 à 5 mm de grosseur destiné au tout-venant ;
- un substrat sablonneux ( grains de moins d'un mm ) qui va donc entrer dans la constitution de ma terre a semis.
- Troisième tiers : amendement organique S35 de ph 6 ou 6,5 si possible, mais le ph 7 convient aussi. Cet amendement va enrichir le mélange et faire que les plantes s'y développent sans apport d'engrais sur une période de trois ans si cela est nécessaire.
Avec un tel mélange, je privilégie un bon développement des plantes sur une longue période sans rechercher une "pousse" spectaculaire à l'issue d'une première année. Je travaille sur le moyen-long terme en évitant de transplanter une très jeune pousse encore fragile et de surcroît difficile à cultiver...
Ma terre à semis est en tout point identique au mélange terreux pour plantes adultes : mélange trois tiers avec les mêmes substrats mais sans sable. Lors du rempotage, les jeunes plantes retrouvent donc les mêmes éléments, ce qui ne peut que faciliter enracinement et développement.
Je n'ai jamais utilisé de terrines à semis, mais des petits pots en plastiques de formes carrée (5x5 cm ). Depuis quelques années, je détourne de leur objectif des boîtes de diapositives ( celles en plastique que vous remet le photographe après développement de vos diapositives couleur ). Elles sont généralement grise, mais aussi blanche ou noire...Elles sont de forme allongée, rectangulaire, mesurant de l'ordre de 16 cm de long pour quelques 3 à 3,5 cm de largeur, et 4 cm de hauteur. Elles se composent de deux éléments : la boîte proprement dite avec trois compartiments, et le couvercle sans compartiment. Il m'est arrivé d'utiliser le couvercle comme conteneur a semis, mais ce sont les boîtes avec leurs compartiments qui ont m'a préférence. Les plantules et très jeunes plantes vont s'y trouvées a l'étroit au niveau de leurs racines, ce qui n'est pas une mauvaise chose.
Boîtes et couvercles sont préparées pour leur nouvelle fonction par le percement de trous dans leur fond ( trois trous par compartiment, de 2 ou 3 mm de diamètre chacun ). Elles sont ensuite nettoyées à l'eau javellisée.
La terre à semis étant prête, elle n'est pas stérilisée. Le remplissage des compartiments des boîtes, en tassant légèrement le mélange terreux, ne pose pas de problème. Le mélange doit affleurer le haut des deux cloisons qui séparent les compartiments. Afin de le désinfecter, la boîte est alors immergée jusqu'à mi-hauteur dans une cuvette contenant une solution normale de benomyl ( Benlate ) ou de sulfate double d'oxyquinoléine et de potassium ( Cryptonol ). Par capillarité, le substrat s'humidifie rapidement : il est prêt à recevoir les graines.
C'est à ce stade qu'intervient une seconde phase primordiale dans la réalisation du semis : la dépose des graines et leur nombre.
En fonction des genres, je ne place pas plus de 5 à 8 graines dans chaque compartiment, et jusqu'à 20 graines maximum dans un couvercle de boîte. Même si le développement de certains cactus est lent ( par exemple Geohintonia, Aztekium, Ariocarpus ou quelques Turbinicarpus... ), quelques uns seront suffisamment vigoureux à l'issue de trois ans pour bien tenir leur place dans un espace aussi réduit, et sans commencer à se déformer les uns contre les autres. Il est donc important, à mon sens, d'anticiper la place que pourra occuper chacun d'eux en positionnant correctement chaque graine. L'opération n'est pas difficile, mais peut être longue et fastidieuse. Elle s'effectue à l'aide d'un crayon à papier. La pointe ou la mine étant légèrement humidifiée, la graine va venir s'y "coller" le temps d'être transportée jusqu'à son emplacement dans le substrat. Positionner, c'est prévoir !
Pour terminer la mise en forme du semis, j'ajoute en surface une fine couche de petits graviers de quartz blancs ( type aquarium ) pour empêcher la formation d'algues et de champignons préjudiciables aux futures plantules. Cependant, pour certains genres, je ne dispose pas immédiatement cette couche de graviers afin de pouvoir récupérer plus facilement les graines qui n'auraient pas germées et y pratiquer l'opération de fente du cuticule.
Je prépare par habitude mes étiquettes a l'avance. Elles sont donc mises en place sans hésitation ni erreur dans le bon compartiment dés que la dernière graine y a été placée. Mais Je trouve ces étiquettes souvent gênantes, aussi m'arrive-t'il de ne pas en mettre. J'ai alors une fiche de constitution du semis avec des repères alphanumériques qui correspondent aux boîtes elles-mêmes et à leurs compartiments. En effet, pour chaque boîte, j'inscris une lettre différente sur un des cotés de 3 cm, et trois numéros sur un des cotés de 16 cm, un en face de chaque compartiment. Pour une boite donnée B, on aura par exemple semé en B1 : Epithelanta micromeris, en B2 : Epithelanta micromeris v pachyriza, et en B3 : Epithelanta micromeris v bokei . Bien sûr, la fiche en question est à archiver et ne doit pas être égarée...
Par simplicité, les boites de diapo sont mises dans des barquettes en aluminium ( celles utilisées par exemple pour les plats cuisinés congelés ). Ces barquettes sont détournées elles aussi de leur fonction et récupérées avant d'aller en cuisson. Il faut parfois repousser avec précaution leurs bords ( attention à ne pas déchirer ou trouer la fine pellicule d'aluminium ) de manière à les élargir et à y faire tenir quatre boites côte à côte. Le fait que le fond de ces barquettes soit un peu rainuré ou bosselé n'a pas d'importance. C'est dans ces barquettes que, durant une année minimum, mais souvent plus, seront versés les liquides d'arrosage. Le mélange terreux ne s'arrose en effet que par capillarité, jamais par dessus.
Ces quelques préparatifs constituent l'essentiel de ma méthode pour des cactus difficiles à vivre lors de leurs premières années...C'est précisément parce que ces premières années sont difficiles que l'objectif recherché est de faire qu'ils se trouvent le mieux possible dans leurs " boîtes de semis" en repoussant au plus tard, mais à échéance raisonnable, une transplantation toujours traumatisante pour de très jeunes plantes. A la suite de ces préparatifs, et pour ce qui concerne la germination proprement dite, la suite est connue dans ses grandes lignes : humidité, chaleur, clarté
Jean Bonnefond
Délégué AIAPS Lyon-Rhône
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09 juin 2002